par Ingo Schafer
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18 janv., 2023
Prévention des difficultés Il existe des différences considérables en matière de prévention de difficultés. La loi allemande « StaRUG » (loi allemande sur la stabilisation et la restructuration des entreprises applicable depuis le 1 er Janvier 2021) prévoit l'obligation pour la direction d'une entité à responsabilité limitée de surveiller en permanence les évolutions susceptibles de menacer la pérennité de sa société. Elle doit prendre des mesures appropriées et faire rapport à ses organes de surveillance (CA ou CS) ou à l’assemblée des associés - lorsqu'elle constate de telles évolutions. Des règles similaires à cet égard existaient déjà pour les sociétés anonymes (§ 91 AktG) avant l'introduction de la StarUG. Une planification actuelle orientée vers l'avenir (planification financière intégrée) est donc une obligation légale pour le mandataire social d’une société allemande à responsabilité limitée... La question est de savoir dans quelle mesure cela est réellement respecté dans la pratique... malgré l'épée de Damoclès de la responsabilité personnelle en Allemagne... Mais malheur, si l'entreprise va mal et que l'on se retrouve dans l'obligation de déposer le bilan en vertu du code allemand de l'insolvabilité. Au niveau du droit pénal, on est alors vite rattrapé par le § 15a de l'InsO. Mais c'est surtout la responsabilité pour les paiements effectués après que l'entreprise a cessé ces paiements (« Verschleppungshaftung » selon le § 15b InsO ) qui peut faire perdre au gérant tout ses biens personnels et le mettre en faillite personnel… En France, la prévention de difficultés est une tradition de longue date. En fait partie la procédure d'alerte (introduite en 1984), que le commissaire aux comptes de la société doit engager immédiatement s'il constate, lors de son contrôle, des faits qui pourraient s'opposer à l'hypothèse de la continuité de l'exploitation (« Droit d’alerte »). En France, les commissaires aux comptes peuvent, dans des cas extrêmes, imposer une communication directe avec les organes de contrôle (CA ou CS) ou les actionnaires si les explications de la direction de l'entreprise et des organes de surveillance ne sont pas suffisantes. Cette position de force va même jusqu'à permettre aux auditeurs de convoquer eux-mêmes l'assemblée des actionnaires si la direction refuse de le faire - ce qui est impensable en Allemagne. De plus, en France, une entreprise (à partir d'une certaine taille : 300 salariés ou CA > 18 M€) a l'obligation d'établir tous les six mois un état dans lequel elle doit indiquer si elle est en mesure de faire face à ses dettes exigibles avec ses actifs disponibles. En d'autres termes, parvient-elle encore à honorer ses dettes ou leurs échéances avec les moyens disponibles (notamment la trésorerie). Par ailleurs, l'entreprise doit déposer un compte de résultat prévisionnel et un plan de trésorerie pour l'année en cours au plus tard 4 mois après la date de clôture de l'exercice et les réviser après la fin du premier semestre. Ces documents doivent être présentés au conseil de surveillance, à l'expert-comptable et au comité d'entreprise. (Documents de gestion prévisionnels (articles L. 232-2 à L. 232-4 du code de commerce, articles R. 232-2 à R. 232-7 du code de commerce.) _________________________________ Procédures de restructuration préventive Au 1er janvier 2021, le droit allemand de la restructuration a profondément changé. Le droit allemand ne connaissant pas de procédure de restructuration préventive jusqu’à cette date. La restructuration d’entreprise n’était possible que par deux biais: soit par voie extrajudiciaire et purement consensuelle à travers un accord avec l’ensemble des créanciers, soit dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité. Longtemps souhaités par une partie des praticiens des procédures collectives en Allemagne, mais décriés par d’autres (notamment par la lobby des administrateurs judiciaires allemands...) , de nouveaux outils préventifs judiciaires existent dorénavant. Ils ont certes été adoptés sous la contrainte de devoir transposer la directive européenne relative aux cadres de restructuration préventive du 20 juin 2019 en droit allemand. Mais, par la loi sur la stabilisation et la restructuration des entreprises, abrégée « StaRUG », le législateur allemand est allé bien au-delà d’une transposition de la directive, en s’inspirant du droit français Par contre ces instruments de restructuration préventives en Allemagne ne semblent pas avoir été un net succès jusqu'à présent, puisque selon un rapport de la maison d'édition INDat, les 24 tribunaux allemands de restructuration n'ont reçu en 2021 que 22 annonces de projet de restructuration. (Les procédures « StaRUG » n'étant pas publiques en soi, ce chiffre devrait toutefois être conservateur). En France, en revanche, les procédures de prévention confidentielles ont une très longue tradition et sont fréquemment utilisées. La procédure de conciliation est particulièrement efficace. Elle peut être engagée en cas de difficultés juridiques, économiques ou financières. Le débiteur ne doit pas être en cessation de paiements depuis plus de 45 jours. La procédure de conciliation constitue donc à la fois un instrument de restructuration préventif et une alternative à la procédure collective. En France, selon le Conseil National Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires (CNAJMJ), 5592 cas de procédures de prévention (dont 1842 conciliations) ont été signalés en 2021. En ce qui concerne les procédures de prévention françaises, il convient de mentionner en particulier l'utilisation de l'instrument du "prepack cession". Dans ce cas, la reprise totale ou partielle d'actifs est préparée dans le cadre confidentiel d'une procédure de prévention, puis mise en œuvre dans le cadre d'une procédure collective abrégée. Ainsi, la confidentialité lors de la préparation du deal et donc la prévention de la perte de réputation sont associées à la sécurité juridique de la procédure collective lors de la mise en œuvre du deal. La procédure « StaRUG" allemande n'est pas non plus publique, de sorte que les parties contractantes non concernées ne doivent pas avoir connaissance de la procédure de restructuration. Toutefois, contrairement à la procédure française de "prepack cession", cette procédure ne permet pas d'intervenir dans les contrats en cours pour l'avenir. La plupart du temps, une restructuration opérationnelle nécessite également la modification ou la résiliation des contrats en cours. Une procédure de restructuration dans le cadre d'une procédure d’insolvabilité « en gestion propre » (« Insolvenz in Eigenverwaltung ») ou d'une procédure de protection (« Schutzschirmverfahren ») permet également de modifier les contrats en cours, contrairement à la procédure « StaRUG ». Le "prepack cession" français permet un "cherry picking" en laissant au futur repreneur le libre choix du personnel, des actifs et des contrats qu'il reprend. Cela permet également d'assainir la performance économique de l'entreprise à reprendre sans entamer directement le processus de cession par une procédure d'insolvabilité publique. Seule la mise en œuvre de la cession nécessite une procédure d'insolvabilité. _________________________________ Responsabilité des dirigeants – sanctions civiles et pénales La législation française ne prévoit pas de norme spécifique concernant la punissabilité d'une violation de l'obligation de déposer une déclaration de cessation de paiement, comme le prévoit le § 15a InsO (InsO – Insolvenzordnung) de la loi allemande. Ce n'est que dans les cas qui relèvent de la banqueroute selon les art. L654-1 à L657-7 du Code de commerce (par ex. l'exercice d'activités non conformes aux usages du marché dans le but de retarder l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, le détournement de fonds, la tenue d'une comptabilité fictive) sont prévus. Les dirigeants d'entreprise en France risquent de se voir interdire de prendre la direction d'une entreprise à l'avenir au lieu d'être pénalement responsables. En ce qui concerne le retard à l'ouverture d'une procédure collective, les tribunaux doivent, conformément à un arrêt de la Cour de cassation française du 12 janvier 2022, vérifier concrètement si l'obligation de déposer une demande d'insolvabilité au plus tard 45 jours après la connaissance de l'insolvabilité a été respectée avec la diligence d'un dirigeant d'entreprise prudent et diligent. Le droit français de l'insolvabilité est également moins strict que le droit allemand en ce qui concerne la responsabilité civile pour les paiements effectués après la survenance de la cessation de paiement. La responsabilité pour insuffisance d'actif (art. L651-4 à L651-4 du code de commerce) suppose que le dirigeant ait commis ce que l'on appelle une "faute de gestion". Les paiements effectués en cas de couverture congruente après la survenance de l'état d'insolvabilité ne constituent par exemple pas une faute de gestion. Par ailleurs, le législateur a ajouté en 2016 dans la disposition de l'art. L651-2, la restriction selon laquelle la responsabilité est exclue en cas de faute de gestion commise par négligence légère. En Allemagne, si une personne morale se trouve en état de cessation de paiements ou devient surendettée, les membres de l'organe de représentation ou les liquidateurs doivent déposer une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sans hésitation fautive, mais au plus tard trois semaines après la survenance de la cessation de paiements ou six semaines après la survenance du surendettement. Le non-respect de cette obligation entraîne des conséquences pénales lourdes. Le Code allemand de l’insolvabilité (Insolvenzordnung InsO) prévoit dans § 15a (4) InsO une peine privative de liberté pouvant atteindre trois ans ou une peine d’amende. Si la direction poursuit les activités de l’entreprise, la responsabilité personnelle de l'organe de direction pour les paiements dits interdits peut même prendre effet immédiatement après la survenance de l'insolvabilité ou du surendettement. (§15b InsO).